Des milliers de migrants coincés à Belgrade

Selon des chiffres du 1er novembre 2016 du Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU, 6.300 migrants sont actuellement bloqués en Serbie, qui estime avoir une capacité d'accueil de 6 à 7.000 personnes.

Nadir Djennad

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6.300 migrants sont actuellement bloqués en Serbie

Certains d'entre eux, une centaine, ont entamé ces derniers jours dans le froid et sous la pluie une marche vers la frontière croate, dans l'espoir d'entrer dans l'Union européenne.

La Serbie constitue ce que certains appellent la route des Balkans : une autre voie empruntée par les migrants pour rejoindre l'Europe occidentale plutôt que celle de la Méditerranée.

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En Serbie, les moyens d'accueil sont limités

La géographie a placé la Serbie au centre des Balkans et de toutes les routes des migrants qui, depuis la Grèce, tentent de gagner l'Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne. Mais le nombre de réfugiés bloqués en Serbie a augmenté depuis que ces pays ont adopté plusieurs mesures pour les empêcher d'entrer sur leurs territoires. Or en Serbie, les moyens d'accueil sont limités.

Nous avons rencontré près de la gare centrale de Belgrade, des migrants afghans et pakistanais à l'intérieur d'un bâtiment abandonné. Ils ont allumé un feu pour se chauffer car les températures ont chuté en cette période de l'année. Une dizaine d'entre eux sont réunis autour du feu et boivent du thé. Muhammad vient de Kaboul, en Afghanistan et son objectif est la Grande-Bretagne. « J'aimerais aller en Grande-Bretagne, parce que j'ai une expérience militaire. Il est impossible pour moi de vivre en Afghanistan. Je suis venu ici et ma prochaine destination sera la Grande-Bretagne. J'ai travaillé pour l'ambassade britannique durant 3 ans à Kaboul. J'ai des documents qui le prouvent. Dès que j'arrive en Grande-Bretagne, je montrerai ces documents aux responsables britanniques »

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La Serbie constitue ce que certains appellent la route des Balkans

Dubrovka, une bénévole, qui collabore pour plusieurs associations humanitaires nous montre l'état du bâtiment dans lequel vivent ces migrants. Elle travaille pour plusieurs associations humanitaires internationales et vient en aide aux réfugiés. « Il y a plus de 1000 personnes qui dorment dans la rue, ou dans des bâtiments abandonnés, des parkings, des squats. Ils vivent dans la pauvreté, et dans des conditions d'hygiène déplorables. Pas de toilettes, pas d'eau pour se laver, peu de nourriture. IL n'y a rien pour que ces gens vivent dans des conditions décentes. «

A Belgrade, les migrants ont la possibilité de se rendre dans un centre d'accueil ou ils peuvent consulter un médecin et des membres d'association qui les aident dans leurs démarches. Maksoud est soulagé. Il vient d'arriver de Bulgarie avec sa famille. Il souhaite rejoindre l'Allemagne mais il garde un mauvais souvenir du passage en Bulgarie. « La police bulgare frappe les gens, les enfants. En Bulgarie, on n'aime pas les réfugiés. Quand on demandait des informations à la population, des adresses, on nous répondait : « retournez chez vous pourquoi vous venez chez nous".

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Des tentes où vivent les migrants

Dans un centre d'aide aux réfugiés que nous avons visité, les migrants ont la possibilité d'utiliser le wi-fi, et d'appeler leurs familles. Ashraf vient de parler avec sa mère et ses sœurs, mais il leur a du mentir sur sa situation. « Je ne suis pas heureux, mais je suis obligé de dire à ma famille le contraire. Je dois les rassurer, et éviter qu'ils s'inquiètent. C'est pourquoi je leur dis que je suis heureux, que tout va bien ici. Mais ce n'est pas du tout le cas, en réalité. Mon plus gros souci ici est que je dors dans la rue »

Il y a quelques semaines, le gouvernement serbe s'est inquiété d'une "augmentation substantielle du nombre de migrants" sur son territoire et a regretté l'attitude de ses voisins croate et hongrois, qui laisseraient Belgrade gérer seul cette question.

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Des migrants utilisent le wifi pour accéder à Internet

Francois Gemmene, chercheur en sciences politiques à Sciences-Po Paris, spécialiste des flux migratoires, revient sur le dilemme auquel est confronté la Serbie.« C'est un lieu de passage et de transit pour les migrants mais le paradoxe, c'est que comme toutes les frontières de l'Europe se sont renfermées, les migrants et les réfugiés sont condamnés à attendre en Serbie de pouvoir passer de l'autre côté, et que donc, c'est la Serbie qui est forcée de gérer l'accueil de ces migrants et de ces réfugiés, de traiter leurs dossiers administratifs alors qu'elle n'est pas leur pays de destination »