Minorités en Algérie: le pasteur Nourredine Benzid se confie à la BBC

Pasteur Nourredine Benzid, Secrétaire Général de l'Eglise Protestante d'Algérie (EPA).
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"Nous travaillons tous pour le bien de l'Algérie"

Le pasteur Nourredine Benzid, Secrétaire Général de l'Eglise Protestante d'Algérie (EPA), évoque pour la BBC la liberté de culte en Algérie et les problèmes que rencontrent les chrétiens protestants. Il dresse un constat positif de la coexistence des cultes dans le pays.

BBC : Peut-on chiffrer les communautés chrétiennes en Algérie ?

On ne peut pas rendre compte de la réalité ni savoir quels sont les chiffres réels, car de nombreux chrétiens ne peuvent joindre une église, pour des raisons géographiques ou familiales -par exemple une épouse mariée à un musulman ne pourra, selon notre culture traditionnaliste, sortir non accompagnée, surtout dans les régions rurales.

BBC : Quelle est la répartition des églises dans le pays ?

La majorité des églises sont en Kabylie, ce qui ne veut pas dire que tous les chrétiens sont Kabyles. Il y a une campagne de certains médias en ce sens. Ils nous accusent d'être des espions, de recevoir des aides financières de l'étranger, ce sont des contre-vérités. Dans notre église il y a aussi des Arabes. Et ce qui est sûr, c'est que toutes les églises protestantes sont nationales, et algériennes. Nous sommes des chrétiens algériens, des Algériens qui aimons l'Algérie.

BBC : Quels sont vos relations avec les autorités ?

Nous avons de bonnes relations avec les autorités. On nous invite aux cérémonies nationales, et réciproquement, lors de nos fêtes. Nous pratiquons notre culte le plus normalement du monde. L'Algérie est le seul pays musulman à avoir accepté la conversion de musulmans vers le christianisme. Et avant la nouvelle constitution, nous n'avions que la liberté de conscience, maintenant nous avons la liberté de culte, c'est un acquis démocratique.

BBC : Les communautés protestantes rencontrent-elles des problèmes, et si oui, lesquels ?

On n'a pas de problèmes avec la loi, mais avec des personnes, parfois trop zélées. Et nous avons des défis, oui, mais surtout techniques. Nous avons par exemple des difficultés à obtenir des permis de construire pour nos lieux de culte. Nous avons aussi des problèmes avec des procès intentés aux non-jeûneurs durant le Ramadan. Ou encore avec des divorces, par exemple une femme chrétienne que son mari répudie du fait de sa religion va perdre tous ses droits selon la charia, y compris sur ses enfants.

BBC : En tant que minorité religieuse, êtes-vous parfois menacés ?

On n'est pas menacé, la société nous accepte en tant que tel, mais on est toujours vigilant, car nous sommes une minorité. Cette église est jeune et les mentalités doivent s'adapter, on y va doucement, on ne veut pas choquer. On a besoin de temps. Le défi pour nous c'est de trouver un équilibre entre la société, l'église et la loi. Nous voulons le bien de notre pays. Et nous travaillons tous pour le bien de l'Algérie.

BBC : Craignez-vous des contaminations extrémistes inter-religieuses, comme celles de l'assassinat du prêtre en France revendiqué par l'EI ?

Non, il n'y aura pas de contamination en Algérie. Cet espèce d'extrémisme ne peut être accepté par aucune religion, on n'a pas le droit de toucher à la vie humaine. C'est aux sociétés de semer un discours de tolérance, partout, chrétiens, musulmans, bouddhistes, on doit tous agir en ce sens.